Mandats de BAMO: le Conseil fédéral et l’USAM à l’encontre du secteur privé
De l’avis du Conseil fédéral, le recours à des bureaux externes d’appui au maître d’ouvrage (BAMO) au sein de l’Office fédéral des routes (OFROU) ayant fait ses preuves, il convient désormais d’examiner la possibilité d’inter- naliser de tels mandats dans l’administration. Un rôle accru de l’État qui réjouit l’Union suisse des arts et métiers (USAM). Ou le monde à l’envers.
«Au diable ma réponse d’hier»
Retour en arrière. En 2017, le conseiller national Hans-Ulrich Bigler, déjà à la tête de l’USAM, demandait au Conseil fédéral via son interpellation 17.3063, quel était pour l’OFROU le coût annuel de l’externalisation des mandats d’appui au maître d’ouvrage (mandats de BAMO) et s’il serait possible d’exécuter ces tâches en interne. L’interpellateur craignait en effet des conflits d’intérêts au niveau des bureaux d’ingénieurs mandatés. L’USAM, pourtant peu connue pour être favorable à l’État, exigeant l’internalisation de tâches externes dans l’administration fédérale par défiance envers l’économie privée... il y a de quoi surprendre.
L’externalisation de mandats de BAMO est économiquement viable, dixit le Conseil fédéral
Sous la houlette du DETEC, le Conseil fédéral répondait à l’interpellateur que l’externalisation de mandats de BAMO avait en principe fait ses preuves et était du reste en parfaite adéquation avec la mission impartie par le Parlement à la Confédération de confier à des tiers toutes les tâches pouvant être déléguées. Et de poursuivre: une telle externalisation allège l’administration et permet de réagir en souplesse aux fluctuations des besoins. L’exécution des tâches en interne impliquerait en revanche de pourvoir 200 postes supplémentaires à l’OFROU – tâche complexe au vu de la pénurie notoire de personnel qualifié – sans entraîner d’économies notables. Selon le Conseil fédéral, le droit des marchés publics, les règles de récusation et les contrôles internes garantissent à la fois transparence et impartialité.
L’État est le mieux outillé pour exécuter des mandats de BAMO, dixit (bis) le Conseil fédéral
En 2018, le Conseil fédéral attendait même du DETEC qu’il examine la possibilité d’externaliser la construction et l’exploitation des routes hors de l’OFROU vers une société anonyme, sur le modèle autrichien. Or ledit 3 décembre 2021, revirement total:
le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion qu’une externalisation aurait pour effet de générer plus encore d’interfaces et, partant, plus de dépenses. Qu’il serait plus judicieux d’approfondir l’examen d’une internalisation accrue des mandats de BAMO au sein de l’OFROU, avec de substantielles économies à la clé.
Cette double volte-face de la part du Conseil fédéral ne laisse pas, elle aussi, de surprendre. Ainsi, la solution ne réside plus dans l’économie privée, mais dans le rôle accru de l’État. Contre la volonté du Parlement. Et contrairement à sa propre réponse à l’interpellation Bigler. L’on serait curieux de savoir ce qu’en pense l’interpellateur, sachant combien l’organisation faîtière qu’il préside insiste sur le rôle subsidiaire de l’État.
Un revirement qui renverse la logique économique
Il est de fait, premièrement, que les salaires bruts versés par la Confédération sont depuis des années sensiblement plus élevés que ceux qui prévalent dans l’économie privée. Deuxièmement, que la pénurie de personnel qualifié dans le domaine de l’ingénierie est plus aiguë que jamais. Et troisièmement, que la participation du secteur privé stimule la performance grâce à la concurrence.
C’est le monde à l’envers
le Conseil fédéral veut – avec le soutien de l’USAM – disputer à la profession un personnel qualifié très convoité et continuer de gonfler l’administration aux frais du contribuable. Cet exemple édifiant aura toutefois le mérite d’illustrer qu’au sein de l’État, la main gauche ne sait pas toujours ce que fait la main droite. Qui construirait des routes de cette manière?